Dès le XIe siècle les serfs du chapitre travaillaient aux mines d’argent de la Croix aux Mines, alors en pleine exploitation. Ils ont défriché la chaume de Sérichamp et bien d’autres forêts, endigué les eaux et tracé les premières voies de communication.
A cette époque troublée, les gens d’église incapables de défendre leurs biens, furent contraints de se placer sous la sauvegarde des seigneurs. Leurs protecteurs s’appelaient les Voués. Pour payer leur service, les abbayes leur abandonnaient une partie de leurs revenus.
En 1055 le premier duc héréditaire de Lorraine, Gérard d’Alsace, affranchit l’abbaye de Saint-Dié de la tutelle des évêques de Toul, et se proclame voué de l’abbaye. Mais il fit payer très cher sa protection. C’est ainsi que le chapitre perdit tous ses droits, ne conservant que son autorité spirituelle. Après avoir partagé un moment les revenus des mines d’argent de la Croix aux Mines, les ducs s’en emparèrent définitivement. Comme prix de leurs services à la guerre, les ducs de Lorraine abandonnent à leurs vassaux les terres soustraites au chapitre : Fraize et Saulcy sont donnés aux Ribeau-pierre, Taintrux aux Parroy, les bans d’Anould et Corcieux à d’autres seigneurs. Sans doute à cause de ses riches forêts le duc s’est réservé Ban-le-Duc (débaptisé à la Révolution en Ban-sur-Meurthe).
Dans la vallée de la Meurthe, le chapitre conserve la suzeraineté du Ban-Saint-Dié (rive droite de la Meurthe à Plainfaing, Clefcy-Anould et Saint-Léonard) jusqu’à la Révolution. Il s’y faisait représenter par un lieutenant. Sur une de nos cloches datée de 1713 (seule rescapée du massacre de 1944) se lit le nom de Lejeune, lieutenant du chapitre. Un acte de 1621 délimite à Vanémont les possessions du duc et du chapitre. Le village appartient à deux baillages séparés par un ruisseau qui descend de la montagne. Ceux du duc dépendent du prévôt de Bruyères, les autres du chapitre de Saint-Dié.
En matière de haute justice, la juridiction du chapitre s’efface devant celle du duc. Les deux prétendus sorciers de Saint-Léonard condamnés au bûcher par le chapitre furent confiés au prévôt ducal pour l’exécution et brûlés vifs à Saint-Dié. Nous avons les noms de ces malheureuses victimes. J. Lallemand en 1590 et J. Guéry en 1603. Deux cent trente sorciers furent ainsi brûlés dans l’arrondissement de Saint-Dié.
Au cours des siècles, les seigneurs rivaux se font la guerre et ce sont les serfs qui en font les frais. On saccage les récoltes, on brûle les maisons, on vole le bétail et on tue. Comment leur résister ? Pas de remparts, pas de châteaux-forts à Saint-Léonard ni dans la vallée.
Mais on y a construit une maison forte. Il en est fait mention dans plusieurs titres du chapitre. Cette maison devait appartenir à quelques gros propriétaires terrien et suivant l’usage il pouvait céder ses droits à des tiers. On retrouve ainsi que Jacquemin de Cou-ressulx (Corcieux) écuyer vend en 1412 la tour de Saint-Léonard et ses dépendances à Erard de Alleville écuyer. Cinq ans après en 1417 celui qui s’intitule Sire de la Tour Forte de Saint-Léonard engage et vend sa propriété à Henry de Barbey contre la somme de 50 florins.
Quant à Erard de Alleville près de Rabaviller du diocèse de Baie, ayant besoin d’argent en 1433, cède à Démange de Bult, chanoine, la tour de Saint-Lynard et tout ce qui lui vient de Jean le Bagadou (les moulins, les prés, les bois, dix-sept journaux de terre arable contre vingt florins et onze gros).
Les moulins étaient certainement sur les rives de la Meurthe. Mais où était la maison forte ? Les Archives mentionnent aussi une maison forte à Anould, ce qui donne à penser que des points fortifiés existaient le long de la Meurthe.
Au XVe siècle, le duc de Lorraine René II essaye de résister à Charles le Téméraire. Les Lorrains prennent conscience du danger et organisent une résistance. De simples paysans comme Varin Daron de Bruyères les laboureurs de Lavelune, des chefs de bande comme Haxenaire se battent contre l’envahisseur. A son retour d’Alsace et de Suisse où il ne trouve guère d’appuis, ni d’argent, il forme une armée avec des lansquenets allemands et des volontaires lorrains.
Le 30 décembre 1476, le duc couchait à Raon-1’Etape. C’est dans cette ville qu’il reçut de Jean Bagadou de Saint-Léonard la somme de deux cent soixante-dix florins d’or. Il faut ajouter que plusieurs dames de Raon suivirent son exemple et engagèrent leurs bijoux pour compléter la somme dont le duc avait besoin pour payer ses lansquenets. René II récompensa ses fidèles. Les laboureurs de Laveline furent faits gentilshommes. Varin Doron ne voulut pas de noblesse il se contenta des fonctions de sergent transmissibles à ses descendants. Jean Bagadou dit Cachet fut anobli sous le titre honorifique de seigneur de Saint-Léonard et reçut des armes parlantes « d’argent à trois menottes ouvertes de sable pendantes dans un anneau de même mis en cœur surmonté d’une étoile de sable ».
La faveur ducale continua par la suite. Arrière petit-fils de Jean, Guillaume Bagadou dit Cachet était en 1560 capitaine au château de Spitzemberg résidence favorite des ducs de Lorraine dans les Vosges. Le fils de celui-ci, Christophe, qui prit définitivement le nom de Cachet fut le premier médecin de trois ducs : Charles III, Henry II, Charles IV. A sa mort en 1624 il fut inhumé avec les ducs de Lorraine en l’église des Cordeliers à Nancy.
Dès le XIIème siècle, des moulins à papier ou « papierleries » utilisent les chutes d’eau des rivières vosgiennes. En 1480 d’après les archives, il y eut une enquête au sujet d’un différend entre le chapitre et le comte de Ribeaupierre seigneur du Ban-de-Saulcy à propos d’un moulin à papier nouvellement installé sur la Meurthe au lieu dit Contramoulin du village de Saint-Léonard. C’est sans doute le premier ou un des premiers de la région. Ce n’est qu’en 1483 que Saint-Dié eut à son tour sa papierlerie. Ce sont sans doute les ancêtres de la papeterie du souche d’Anould qui elle, ne date que de 1820. On ignore jusqu’à quelle date fonctionne le moulin à papier de Contramoulin. Beaucoup plus tard on y installa une féculerie et un tissage.