Sur cette photo : La chapelle de Montégoutte
Un certain jour d’une époque si lointaine que la date s’en est perdue, l’un des bûcherons qui habitaient les villages, au pied de la montagne, travaillait en cet endroit juste où s’élève la chapelle; en sciant un sapin qu’il avait abattu, il trouva dans le cœur même de l’arbre une statue de la Sainte Vierge. Comment était-elle ainsi enfermée dans le bois ? Sans doute comme tant d’autres auxquelles on creuse une niche et que l’écorce recouvre dans la croissance. Quoi qu’il en soit, le bûcheron se l’approprie, l’emporte précieusement et la pose dans son poêle à une place d’honneur.
Le matin venu, qu’elle n’était pas la stupéfaction du pauvre bûcheron en constatant que l’image ne se trouvait plus à sa place, ni même dans sa maison ! Quelle n’est surtout pas son angoisse en apprenant que cette statue mystérieuse avait été pour sa famille un talisman de malheur; durant la nuit, sa femme et ses deux filles étaient devenues aveugles.
Dans son trouble, il retourne vivement vers la forêt et aperçoit l’image de la Vierge à l’endroit même où il l’avait trouvée la veille. Elle était debout près de l’arbre abattu; à ses pieds, une source ignorée jusqu’alors, jaillissait claire et abondante.
Le bûcheron eut l’intuition qu’il avait été aveuglé par l’égoïsme en voulant pour lui seul le trésor et qu’il expiait cet égoïsme par l’aveuglement de sa femme et de ses filles. L’intention de la mère de Dieu était claire, elle voulait être vénérée en ce lieu; puisque les anges, sans doute, comme il l’avaient fait pour la sancta casa de Lorette, avaient ramené la statue dans la forêt.
Il revient chercher sa femme et ses filles, les guide vers le bois, jusqu’à l’endroit miraculeux, tous quatre s’agenouillent près de la source, devant la statue et demandent la guérison de cette subite et douloureuse cécité. Les trois aveugles se lavent les yeux dans l’eau de la fontaine naissante, et instantanément leurs yeux sont rendus à la lumière.
Le merveilleux a des ailes; le miracle s’est propagé en un clin d’œil; on accourt en foule des environs, avide de vénérer la statue merveilleuse et se laver à la source.
Le bûcheron éleva lui-même la chapelle pour y déposer l’image de la Saint Vierge. Elle est toujours là dans cet édicule; un autel rustique copieusement orné sert de socle à une niche en écorce de sapins; la statue y est enfermée, rappelant ainsi qu’elle fut trouvée au centre d’un arbre, et refusa un autre domicile.