Le 1er août au matin passent les premiers trains des mobilisés. Cela continuera pendant huit jours. Nos régiments frontaliers franchissent les cols et pénètrent en Alsace jusqu’à Morhange. Une grande offensive allemande les oblige à se replier. Les cols du Donon et de Saales cèdent les premiers et le 21 août celui de Sainte-Marie. Les Allemands cherchent à traverser la Meurthe, la Mortagne et la Moselle par la trouée de Charmes pour encercler nos armées par le sud. Cette offensive sera brisée à la Chipotte. Fin août les armées allemandes déferlent sur Baccarat, Raon-l’Etape, Saint-Dié qu’ils occupent. C’est l’exode qui commence.
Le 24 août arrivant par Entre-Deux-Eaux ils occupent Saint-Léonard et leur état-major s’installe au lieu-dit : « Mardichamp ». Pendant dix-neuf jours une lutte acharnée et confuse va s’y dérouler. En même temps les Allemands attaquent Mandray et le Col des Journeaux, une vision d’horreur. La rivière charrie des cadavres. Il y en a partout dans les trous d’obus. Les civils qui étaient restés au village les enterreront rapidement. Des défections se produisent dans l’armée. Plusieurs exécutions ont lieu dans les parages des tunnels de Vanémont. Au moment le plus critique le Génie songe à faire sauter ces tunnels.
La victoire de la Marne nous évitera cette opération.
Le 8 septembre le Col des Journeaux est repris. L’ennemi se retire sur le front des Vosges : le Vrolu, le Bré-zouard et le Spitzemberg, d’où ils bombarderont le village (objectif : la gare et les voies ferrées Epinal-Saint-Dié et Saint-Léonard-Fraize), pour empêcher les convois militaires et leur ravitaillement. Plus tard ils viseront le camp d’aviation qui sera transféré à Corcieux.
A partir du 1er octobre les trains ne rouleront plus que la nuit. Les habitants qui avaient dû fuir reviennent petit à petit et réussissent à vivre malgré les bombardements avec le va-et-vient des troupes montant en ligne ou descendant au repos, jusqu’en 1918. Bilan : vingt-deux maisons brûlées dont la scierie et le tissage, trente-et-un morts aux armées et deux civils tués. Le village a été cité à l’ordre de l’armée et reçoit la croix de guerre pour ses deuils, ses souffrances et l’attitude stoïque de ses habitants.
Une fois de plus on déblaya les ruines, on reconstruisit les maisons, on remit les terrains en état, on releva tous les militaires tués dans un grand cimetière militaire entre Saulcy et Mandray. La vie reprit son cours. Les hommes mobilisés rentrèrent au village. La vallée était prospère, les tissages les filatures le long de la Meurthe, les papeteries à Anould. les scieries avec les débardages en forêt. A Saint-Léonard une scierie, un tissage, une menuiserie, A Saulcy deux tissages et une tannerie. Saint-Dié à six kilomètres offrait beaucoup d’emplois avec ses tissages, ses scieries, la fabrication de grillages et de toiles métalliques, ses maraîchers. Les échanges avec l’Alsace avaient repris. Ce fut une période heureuse jusqu’en 1938.